
(Face à l'IA, seules les choses brutes garantiront l'authenticité !)
Après avoir écrit le poème Disparitions, je me suis interrogé sur le sens, l’impact que pourrait avoir ma poésie. Comment pourrais-je la qualifier ?
En écrivant un poème par jour, durant un an, j’ai pris le parti d’écrire sans chercher l’esthétisme des mots, mais plutôt le sens des mots. Les textes sont présentés dans leur état brut, et ne subissent aucune correction : ils sont dans leur jus.
Il m’est alors venu l’idée de sacraliser ce style d’écriture en le désignant comme poésie brute.
À ce jour, la poésie brute n’est pas un courant littéraire reconnu, ni codifié comme le surréalisme ou le symbolisme. C’est un terrain vierge, un concept libre.
Ce style de poésie désigne, à l’instar de l’art brut ou naïf, une poésie :
- Intuitive, directe, non conventionnelle,
- Libérée des codes esthétiques traditionnels,
- Née hors des circuits littéraires officiels,
- Souvent émotionnelle, viscérale, écrite par nécessité,
- Ancrée dans des expériences marginales, d’exclusions, de la douleur ou de la colère.
- Accessible et compréhensible.
Elle utilise le langage cru et populaire, sans vulgarité gratuite, donnant aux mots une valeur à la fois tragique et poétique. Elle s’affranchit des rigueurs métriques des vers qui polissent la spontanéité du premier éclat poétique.
Elle donne à des destinées invisibles une parole brute, sans fard.
Elle provoque, mais porte un sens. Et seul ce sens a du sens. En aucun cas, elle est un galimatias d’allégories, métaphores à contresens.
Elle interpelle le lecteur face à l’injustice, la détresse, le handicap, l’abandon.
Dès lors, tout écrit devient recevable, non par sa forme, mais par les impacts de son fond, une balle dans tous les cœurs.
Cette démarche prolonge ou complète des formes d’écriture carcérales, de rue, d’exil, ou parfois du slam, sans en dépendre, en revendiquant son identité singulière.
La poésie brute s’inscrit dans l’instantanéité. Les textes sont souvent conçus en quelques minutes, parfois entre cinq et trente, sans relecture ni correction. Cette rapidité volontaire est le ferment même de leur authenticité : elle garantit la fraîcheur du sentiment et la force du premier élan, exempts des filtres de l’esthétisme ou du perfectionnisme.
Ce choix assumé fait partie intégrante de la démarche, car il s’agit de capter la voix brute, spontanée, de l’expérience humaine, telle qu’elle surgit dans l’urgence ou la nécessité. La poésie brute privilégie ainsi le fond sur la forme, le vécu sur la mise en scène.
Le poème “Disparitions” (tome 2) donne naissance à ce concept :
Ce texte inaugure un courant que je nomme : poésie brute.
- Il ne cherche pas la beauté : il témoigne.
- Il ne joue pas avec les mots : il les crache.
- Il n’est pas académique : il est brut.
- Il tend la main aux invisibles, aux humiliées, à celles qui n’ont plus de papiers, plus de place, ni ici, ni ailleurs et rarement dans la littérature.
Ce poème ne cherche pas à séduire : il dénonce l’exil, l’abandon, la chair que l’on exploite et que l’on jette. Il est rédigé sans filtre, sans artifice, sans détour.
Une poésie sans fioriture dont l’exigence est de prendre parti, de combler certains silences ; un cri politique désespéré contre un monde où le narcissisme du chacun pour soi s’érige en référentiel détruisant l’espoir d’une société plus juste et fraternelle
Sa posture marginale fonde sa légitimité.
Un an de poésie (tome 1 et 2) s’inscrit dans cette sève logique où la poésie brute ne demande qu’à éclore.
Bruno Vaisse Le 21 juillet 2025
Bruno V. (Chanteur résistant)
À toutes les catins séquestrées que l’on assassine,anodines, plus bonnes à rien.
Disparitions
Malienne enchanteresse,
Sur la toile chasseresse,
Satan te sait pécheresse,
Dieu te laisse en détresse.
Carte de séjour éphémère,
Piégée, te voilà prisonnière.
Ne pas retourner en enfer,
Clandestine étrangère.
Des hommes propres, répugnants,
Abusent de ton corps suintant,
Te criant qu’ils sont tes amants,
Posant sur le lit leur argent.
Choisir l’exil pour se sauver,
Quand on vit dans la pauvreté,
T’oblige à faire des métiers
Humiliants, sans dignité.
Le monde n’ignore pas tout,
Surtout de cela il s’en fout.
Il préfère compter ses sous,
Cette détresse n’est pas pour nous.
Que deviennent-elles, ces Maliennes,
Quand elles ne sont plus belles ?
Disparaissent-elles, bordel,
Dans les fins fond d’une poubelle ?
Naissance de la poésie brute — accessible à tous ceux qui ont une vérité universelle à dénoncer, sans effet de style.
Canquillac, le 21 juillet 2025